C’est l’inquiétude qui vient, celles des séquelles laissées par le Covid-19, sur les patients touchés par le virus. Le SARS CoV-2 continue de s’étendre dans le monde, et nombreux sont désormais les pays qui craignent une seconde vague épidémique et tentent d’éviter à tout prix un nouveau confinement généralisé de la population. Le pic épidémique passé, les médecins s’interrogent désormais sur les effets durables de cette maladie sur les patients et notamment sur leur santé mentale.
Mi-mai, une étude parue dans The Lancet avait souligné, en comparant le coronavirus responsable du Covid-19 avec d’autres coronavirus, comme le SARS et le MERS, la survenue de troubles psychiatriques, comme de l’anxiété, des dépressions, ou des insomnies, mais aussi des troubles neuropsychologiques, c’est-à-dire de la mémoire, ou des facultés cognitives.
Il est encore difficile de savoir réellement si le virus (le SARS CoV-2), lui-même est responsable de ces troubles alors que le confinement, les hospitalisations, et le cadre anxiogène de la pandémie peuvent avoir des effets délétères sur la santé mentale. Récemment, une étude de l’hôpital San Raffaele de Milan, menée sur 402 anciens malades, a trouvé que 42% des personnes montraient des troubles anxieux, 31% des signes de dépression et 28% des troubles de stress post-traumatique. De nombreux malades présentaient aussi des insomnies, et 20% avaient développé des troubles obsessionnels compulsifs.
Pas de preuves d’une encéphalite virale
Pour les personnes présentant des antécédents psychiatriques, l’épidémie de Covid-19 a aggravé certains cas s’alarment les psychologues et les psychiatres. « Il est difficile de dire pour l’instant si la dépression, qui souvent se rapproche du syndrome du stress post-traumatique, est liée aux conséquences du confinement, à cette ambiance d’incertitude forte, ou à une atteinte neurologique », prévient Morgan Metral, maître de conférences à l’université Savoie-Mont-Blanc, et qui travaille sur la psychologie cognitive. Parmi les patients suivis par cette psychologue plusieurs ont vu une « aggravation de leurs symptômes », mais cette dernière reste prudente sur la suite : « Est-ce que l’on sera face à des personnes qui resteront dans cet état de stress ou risque-t-on d’observer une évolution brusque de l’état de santé de ces personnes ? Le suivi des patients permettra de le dire ».
Plusieurs études sont actuellement menées en France pour mesurer l’impact de ce coronavirus sur la psychologie des patients. Des travaux s’intéressent en particulier à l’effet du SARS CoV 2 sur le système nerveux central, c’est-à-dire le fonctionnement même du cerveau. Ces études tentent notamment de savoir si le virus est neurotrope, c’est-à-dire s’il parvient à infecter le cerveau. Au sein du Groupe Hospitalier Universitaire (GHU) Paris psychiatrie & neurosciences, un suivi est en cours sur une cinquantaine de patients atteints du Covid-19. « Nous n’avons pas d’éléments pour le moment démontrant une encéphalite virale chez l’homme, c’est-à-dire lorsque le virus entre dans le cerveau », explique le professeur Tarek Sharshar, neurologue au sein du service de neuroréanimation du GHU Paris. Pourtant, plusieurs signes démontrent une atteinte particulière du cerveau dans le cadre d’une inflammation généralisée à la suite du Covid-19.
L’inflammation responsable de troubles psy
« On nous a signalé des symptômes neurologiques étranges, des personnes qui présentaient des troubles durant leur séjour en service de réanimation, des patients pris en charge pour des cas graves qui étaient excessivement agités, certains qui présentait de gros retard de réveils, ou présentant des tableaux cliniques un peu particuliers avec d’importantes variations de pressions artérielles, dont le centre de contrôle est situé dans le cerveau », explique le professeur Sharshar.
En dehors même d’une infection au SARS CoV-2, les conséquences d’une admission en service de réanimation pour une infection grave sont connues. « On constate depuis de nombreuses années des séquelles neurocognitives chez les patients admis en réa pour des cas d’inflammation graves », explique ce neurologue. Les raisons sont multiples. Elles tiennent notamment à l’impact de l’inflammation sur le cerveau lui-même, mais aussi à l’utilisation des sédatifs indispensables au maintien du patient sous intubation, et respirateur.
Une chose est sûre, ce virus provoque chez certains sujets une réponse immunitaire anormalement élevée appelée « orage de cytokine », en référence à un type de cellule immunitaire. En touchant des zones particulières du cerveau, comme le cortex frontal, les systèmes limbiques (qui régissent notamment l’émotion), l’hippocampe (qui joue un rôle dans la mémoire), l’inflammation, peut entraîner des bouleversements psychologiques.
Facteurs confondants
Dans les cas graves, ou l’inflammation est trop forte, ces « centres du comportement », peuvent être durablement touchés et les séquelles persistantes. « Plus l’inflammation est grave, plus la pathologie et le travail des réanimateurs est lourd, et plus les séquelles sont graves » souligne Tarek Sharshar. S’il note une « signature particulière » du virus en ce sens, le professeur Sharshar modère : « il est difficile, avec le nombre de facteurs confondants lié à cette maladie de dire ce qui est dû au virus lui-même, ou à l’inflammation ».
D’autres pistes sont à l’étude notamment la circulation sanguine cérébrale, qui pourrait être atteinte au même titre que les thromboses observées dans d’autres parties du corps à la suite d’une infection au SARS CoV-2, entraînant des défauts d’oxygénations dans quelques parties du cerveau. Le suivi des patients et de leur évolution psychologique est donc crucial pour tenter de comprendre la manière dont peuvent persister ces troubles.